Le métavers ne fait plus recette

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Le métavers ne fait plus recette

Il y a 1 an les élus d’Innovation affichaient leur circonspection sur le sujet du métavers et demandaient à l’entreprise de se doter de garde-fous avant de s’aventurer dans un tel projet. Les élus en CSE alertaient sur des risques sociétaux. Une prudence qui se justifie aujourd’hui au regard de l’actualité : malgré des financements massifs dans le métavers (68 milliards de dollars pour Microsoft, 36 milliards pour Meta*), les pertes s’accumulent et les multinationales américaines abandonnent leurs projets. 

Voici notre déclaration du 10 mars 2022 lue en séance de CSE :

Le « metaverse » est un concept anglais (meta universe), qui décrit assez largement un univers numérique en trois dimensions. Décrit comme le successeur d’internet tel que nous le connaissons, le « metaverse » entend proposer, au sein du web 3.0, des expériences plus immersives que celles permises aujourd’hui, en atténuant très fortement les frontières entre réel et virtuel. Chacun pourrait mener une seconde vie dans un espace-temps propre, qui serait le monde virtuel et parallèle du metavers, rendu possible grâce à un avatar ou à un hologramme et les technologies de réalité virtuelle et augmentée.

Certains prédisent que les métavers vont tout bouleverser, et que les entreprises et les États doivent s’emparer du sujet dès maintenant pour ne pas rater cet important virage. D’autres sont plus circonspects car les technologies existantes en sont encore à leurs balbutiements. La  sensation de nausée ressentie par les utilisateurs est un frein à sa généralisation. Il faut travailler sur des systèmes capables de retranscrire la totalité des sensations (multisensorialité) afin qu’on puisse ressentir le vent, la chaleur, les odeurs.  Et pour que cet univers en devienne vraiment un, il faudrait tout d’abord créer un espace numérique totalement unifié, où l’avatar de l’usager pourrait se promener dans les différents sites du metaverse, comme il peut passer de boutiques en boutiques dans la rue. Car l’objectif premier est bien de générer du commerce, et pour que le commerce de ces biens virtuels décolle, ce nouvel univers doit être suffisamment ouvert, suivant le principe clé d’’interopérabilité. Le « Graal » reste encore très lointain. La possibilité d’un échec est réelle.

Pour autant, la CFDT prend très au sérieux la question du Métavers et ses perspectives de développement. C’est pourquoi elle formule les observations et remarques suivantes :

Le métavers risque d’être un lieu investi principalement par les entreprises américaines. Ainsi, l’objectif de Mark Zuckerberg, fondateur de Meta (ex Facebook) est de faire de son entreprise une société incontournable du « metaverse » d’ici à 2026. Le metavers s’annonce comme le prolongement naturel des médias sociaux. Nul doute que les GAFAM y perpétueront leur modèle commercial. Sauf que cette fois, ils auront accès à des informations bien plus intimes : ce qu’on a regardé, les choses que nous aurons touchées, les émotions que nous aurons ressenties. Les risques cyber, d’arnaque ou de vol de données seront très significatifs. Les travers de notre Internet actuel risquent d’être reproduits, à savoir : la collecte des données personnelles challengeant l’anonymat et la perte de contrôle sur notre « double » numérique. Comment savoir ce qui sera observé et interprété de nos comportements par les algorithmes d’intelligence artificielle ?

Une nouvelle séquence de positionnement géopolitique risque de s’ouvrir, avec des approches différenciées. D’un côté la Chine qui semble pour l’instant très restrictive, avec l’encadrement du gaming et l’interdiction des cryptomonnaies. De l’autre côté, le monde occidental, laissant d’abord le champ libre aux entreprises et une nouvelle séquence de rapprochement sociétal entre l’Europe et les Etats-Unis, mais avec des fractures philosophiques à attendre en matière de régulation.

Le métavers s’annonce comme une mine d’or pour le marketing ciblé. L’utilisateur pourra y mener une seconde vie débouchant sur des achats. Ce sera un lieu dédié au e-commerce, générant une économie en tant que telle. Un certain nombre de boutiques en ligne ont déjà ouvert. Les marques pourront y vendre des biens virtuels (comme une paire de baskets digitales pour son avatar) et physiques, ou des services (cours de sports en ligne, etc.). La guerre des mondes virtuels pourrait bien avoir lieu.

Une fois tout cela rendu possible, il faudra s’équiper. Casque, gants tactiles, veste haptique, voire tapis roulant multidimensionnel… Toute une installation dont le coût est encore prohibitif et qui exige de disposer d’un espace inoccupé d’au moins quatre mètres carrés chez soi. Cela restera-t-il un luxe réservé à quelques-uns ? De nouveaux critères de richesse vont-ils émerger ? Comment ne pas accentuer la fracture numérique, où la question du coût, surtout dans le contexte inflationniste que nous risquons de vivre, sera essentielle, alors qu’Orange déclare vouloir la résorber ?

Le métavers vise surtout la génération Z, c’est-à-dire les jeunes nés entre 1997 et 2010, ceux qui ont donc entre 12 et 25 ans, qui n’ont pas connu le monde sans le numérique. Ces jeunes seront vraisemblablement enclins à adopter cette technologie.

Or, des risques forts pèsent sur leur protection et leur santé mentale.

Concernant celle-ci, Jean Twenge, professeure en psychologie à l’université de San Diego en Californie, qui étudie les différences de santé mentale entre générations depuis vingt-cinq ans, déclare : « Le pourcentage d’adolescents dépressifs, déclarant se sentir seuls et commettant des tentatives de suicide a atteint des sommets ». Or, le métavers sera une sollicitation numérique supplémentaire dans un monde déjà saturé par ces outils, ce qui a déjà donné lieu à des centres de réhabilitation aux États-Unis pour se désintoxiquer et réduire sa dépendance aux écrans.

Rappelons que Frances Haugen, ancienne employée de Facebook, a transmis des milliers de documents au Congrès américain, à la SEC, une autorité de régulation financière et à des médias. Ces documents montrent que les chercheurs en interne s’inquiètent de l’impact des plateformes sur la santé mentale des adolescents, et que la firme investit beaucoup moins dans la modération de contenus publiés hors des États-Unis. Ce manquement a été exploité par des trafiquants de drogues ou d’êtres humains.

A côté de cela, une étude de l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, estime que les enfants qui jouent aux jeux vidéo plus de trois heures par jour sont plus susceptibles de devenir hyperactifs, de se bagarrer ou de se désintéresser de l’école. Quant à l’assureur britannique Aviva, il fait état d’une augmentation de plus de 30 % des sinistres domestiques liés à l’utilisation de casques virtuels dans le métavers. Pris dans son élan, le joueur casse son téléviseur ou passe à travers la table basse.

Pour conclure :

Des risques nouveaux vont émerger. Sans compter la question environnementale. Depuis la pandémie, le poids des géants du streaming comme Netflix et YouTube sur les réseaux télécoms n’a cessé d’augmenter. A certains moments de la journée, ils monopolisent jusqu’à 70 % de la bande passante. La sobriété numérique est remise en question. Le métavers, s’il se concrétise, aggravera cette situation.

La CFDT demande que l’entreprise se dote de garde-fous
face à ces risques émergents
afin qu’elle les anticipe et qu’elle les intègre dans sa stratégie.

*Sources : Sociétés, Business Insider

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